Recours au capital-risque – ouvrir son capital à un partenaire investisseur.

6 juin 2014

Le capital-risque (ou capital-investissement) est un moyen de financement des entreprises et de leur transmission.

Venant le plus souvent en complément d’une banque (financeur traditionnel) qui consent un prêt, le capital-risqueur prend une participation dans le capital de la société, ou du holding, et y joue un rôle dans la gestion et/ou le contrôle. Le capital-risqueur n’a pas vocation à demeurer associé : les modalités de sa sortie sont organisées dès son entrée dans le capital.

Intérêt et limites du recours au capital-risque

Renforcer les fonds propres
Le recours au capital-risque permet d’abord de réaliser des opérations dans lesquelles le dirigeant dispose d’un apport personnel insuffisant. Dans d’autres opérations, l’apport du capital-risqueur permet au dirigeant de minimiser son apport et de maximiser ainsi l’effet de levier de son investissement.
En fonction du contexte économique, le besoin en fonds propres est variable. En effet, le quantum de financements extérieurs traditionnels sera plus important si les perspectives de croissance sont élevées. Dans le cadre des opérations de LBO, le ratio fonds propres / prix d’acquisition peut ainsi varier, selon les secteurs et périodes économiques, de 10 à plus de 40 %. Le dirigeant souhaite cependant, quasi systématiquement, maximiser l’effet de levier permis par l’endettement.

La présence d’un capital-risqueur apporte une crédibilité complémentaire au dirigeant lors de la présentation de son dossier aux financeurs traditionnels. Ces derniers trouvent en sa présence une sécurisation de l’opération puisqu’une étude préalable et approfondie de celle-ci aura, de fait, déjà été réalisée. Certains organismes bancaires, également présents dans le domaine du capital-risque, pourront même suggérer au dirigeant de s’adosser leur fonds dédié, soit en vue de faciliter l’obtention des financements, soit en vue d’en assouplir les conditions.

La limite du renforcement des fonds propres par le recours au capital-risque réside dans le fait que nombre d’intervenants demandent désormais la sécurisation progressive de leur investissement. Cette sécurisation est réalisée au moyen de l’émission de valeurs mobilières composées telles que des obligations convertibles. Véritables prêts in fine, elles permettent, via l’intérêt versé annuellement, d’offrir à l’investisseur, dès les premières années, une partie du rendement attendu.

Investir dans le développement
Pour rembourser ses dettes, la société transmise doit souvent dégager une trésorerie importante. Cette trésorerie suppose une activité économique soutenue, qui s’avère parfois insuffisante ou difficile. Le capital-risqueur pourra aider à maintenir ou retrouver une activité économique soutenue. Ainsi, il permettra de financer par son apport le développement d’une nouvelle activité de l’entreprise. La présence de fonds propres ou quasi fonds propres importants permettra au holding d’offrir les moyens de cette expansion.

Les capitaux-risqueurs souhaitent systématiquement participer aux opérations dites de « build-up » (rachat de sociétés concurrentes ou complémentaires après réalisation d’une première opération de LBO), ces dernières leur permettant d’investir des fonds assez aisément au profit d’entreprises à qui ils ont déjà accordé leur confiance. Les capitaux-risqueurs sont en mesure d’amener eux-mêmes des opportunités de rapprochement et d’investissements. Les fonds spécialisés ou corporatistes disposent d’informations privilégiées sur les projets de cession permettant de contribuer autrement au développement de l’entreprise.

Améliorer la gestion
Les investisseurs en capital-risque exercent une influence importante sur la gestion de la société. Leurs exigences en la matière sont variables en fonction de leur identité et de la responsabilité qu’ils sont enclins à endosser. Le rôle de l’investisseur sera matérialisé suivant les cas dans les statuts ou dans des protocoles d’accord. Dans les SAS où l’organisation de la gestion relève en grande partie de la liberté statutaire, le rôle du capital-risqueur pourra parfaitement être fixé en totalité dans les statuts.
Les dispositions habituelles sont les suivantes : simple droit d’information sur la gestion, agrément pour certaines opérations, participation à des comités ou conseils particuliers (par exemple, comité de rémunération, comité de nomination, comité stratégique, comité d’audit, comité de rémunération, comité d’investissement), voix délibérante au conseil de surveillance ou même au conseil d’administration, droit de veto sur tout ou partie des décisions d’assemblées ordinaires ou extraordinaires. Les règles de fonctionnement sont extrêmement variées et adaptées au cas par cas.

La participation active des partenaires en capital va permettre au dirigeant d’avoir un avis extérieur et de s’astreindre à une grande transparence permettant souvent d’améliorer la lisibilité des comptes d’exploitation. Cet avis extérieur, non soumis à rapport hiérarchique, permettra de déceler des axes d’amélioration et de révéler des pistes de développement de l’entreprise basées notamment sur l’expérience de l’investisseur.
La contrepartie sera évidemment de contraindre le chef d’entreprise, ou de contenir sa liberté dans la gestion de celle-ci, pouvant aller jusqu’à la modification pure et simple de l’administration de l’entreprise.

L’entrée d’un capital-risqueur dans la société nécessite d’organiser aussi sa sortie. Cette perspective poussera le chef d’entreprise à se préparer pour se doter des moyens nécessaires à la reprise d’une quote-part du capital. Mais c’est souvent à ce stade que l’intervention du capital-risque connaît ses limites. L’investisseur ayant fixé par avance ses conditions de sortie, le chef d’entreprise peut être amené, pour honorer ses engagements ou recouvrer sa liberté, à exercer une pression inhabituelle sur l’exploitation et sur les comptes. Cette circonstance peut alors avoir des conséquences dommageables.

Restructurer le capital
La répartition du capital de l’entreprise n’est pas statique. Au-delà du chef d’entreprise qui se doit d’en assurer le contrôle pour développer l’activité à long terme, chaque étape de la vie de l’entreprise va nécessiter des actionnaires minoritaires adaptés qui pourront lui apporter successivement un apport financier et organisationnel. L’actionnariat minoritaire initial devient souvent inadapté quand l’entreprise évolue. En parallèle, au moment de la transmission de l’entreprise, des actionnaires minoritaires souhaitent voir leurs participations liquidées. Le capital-investisseur se substituera utilement à ces actionnaires, le recours aux banques pour financer ces rachats étant difficile, en considération de la difficulté à consentir des garanties suffisantes et adaptées.

Financer la transmission à titre gratuit
Préparée ou non, la transmission à titre gratuit de l’entreprise à un successeur familial peut s’avérer coûteuse. Le chef d’entreprise peinera souvent à financer des droits de mutation pour une transmission dont la valorisation est fluctuante. Parfois, il ne dispose tout simplement pas des liquidités suffisantes. Dans cette perspective, céder une quote-part des titres de la société à un capital-investisseur peut être opportun. L’opération permettra de ne pas faire peser le coût de la transmission sur l’entreprise elle-même (via le recours à une distribution massive de réserves, à des retraits de comptes-courants d’associés ou à une augmentation de la rémunération du dirigeant, etc.). Le produit de la cession permettra alors de payer directement les droits.

Acteurs du capital-risque

Cercle familial et relationnel
Le cercle familial, ou plus généralement le cercle relationnel (comprenant essentiellement amis, collègues, réseau etc.) est une source privilégiée de financement pour les dirigeants. Souvent appelée « Love Money », du fait de la relation personnelle existant avec le porteur de projet, ce mode de financement est caractérisé principalement par la souplesse de mise à disposition des fonds et la diminution des contraintes financières et managériales, en comparaison du recours aux autres acteurs du capital-investissement.

La dimension « confiance » est capitale en cas de recours au cercle familial et relationnel. L’investisseur réalise son apport sur la base du projet de développement de l’entreprise voire du projet de vie du dirigeant plus que sur les conditions juridiques et financières de sa sortie. Cette dernière préoccupation est nettement moins présente qu’en cas de recours aux capitaux-investisseurs institutionnels, la durée d’investissement n’étant pas une problématique primaire. On trouve rarement en pratique l’effet couperet d’une sortie à date et de méthodologies prévues au départ mais une typologie de clauses beaucoup plus consensuelles, emportant des droits et obligations d’ordre stratégique et de bonne gestion.

Le lien supra-contractuel qui existe entre le dirigeant et l’investisseur n’est toutefois pas sans danger. En cas de défaillance de l’entreprise, les conséquences financières dommageables pourront avoir des répercussions à très long terme sur le cercle relationnel proche. L’environnement juridique et financier de l’investissement ainsi que les facteurs de risque doivent faire l’objet d’explications préalables, adaptée aux connaissances de l’investisseur. Cette information est très importante car l’investisseur n’est pas protégé par une réglementation particulière, contrairement au cas où il investit dans une société cotée. Les explications devront être renouvelées régulièrement pendant la durée de l’investissement.

Etablissements financiers
Les établissements de crédit et les banques sont aujourd’hui en France les acteurs majeurs du capital-risque. Au travers de véhicules spécifiques (SCR, FIP etc.), ils vont orienter les fonds de leurs clients vers ce secteur. Ces fonds, une fois placés, seront gérés par des sociétés de gestion ad hoc, dont la proximité vis-à-vis de l’établissement financier est variable.

Les contraintes pesant sur l’établissement de crédit et la société de gestion entraîneront de leur part des prises de position plus offensives que celles des autres types de capitaux-risqueurs. Les conditions d’entrée au capital et de sortie à terme feront ainsi l’objet d’intenses négociations. Une rentabilité minimale de sortie sera souvent contractualisée, par le biais notamment de promesses croisées d’achat et de vente à un prix déterminé en fonction du taux de rentabilité interne de l’investissement.

L’établissement financier aura la volonté de participer directement ou indirectement à un organe d’administration de la société et de disposer d’un lien avec le management de l’entreprise et d’un partenariat privilégié, formalisé ou non, pour la gestion du « bas de bilan » (gestion de la trésorerie à l’actif et des créances, dettes financières et fournisseurs au passif). Lorsque la société est une SA, la responsabilité qui pèse sur les administrateurs amène de plus en plus les investisseurs à abandonner l’exigence d’un siège au conseil d’administration au profit d’une participation à des comités internes consultatifs spécifiques.

Investisseurs providentiels
Business angel
Les « business angels » sont des personnes physiques qui disposent de liquidités importantes leur permettant d’investir directement au capital des entreprises et de multiplier ces investissements pour diminuer le risque global de ce type de placement. On retrouve fréquemment parmi les business angels des chefs d’entreprise ayant cédé leur société. Ils sont souvent réunis en réseaux, donnant accès à l’information sur les entreprises dont le capital est appelé à s’ouvrir et à d’autres informations privilégiées.
Le business-angel intervient plutôt seul aux côtés du dirigeant, pour des montants souvent significatifs.

Le business-angel est en recherche d’un projet d’entreprise permettant une maximisation de la plus-value future, notamment par une « sortie industrielle » aux côtés du chef d’entreprise (rachat de l’entreprise par un groupe, etc.). Dans cet objectif, le business-angel est parfois enclin à rester au-delà d’une durée d’investissement de 5 à 7 années, considérée comme classique.

Investisseur Tepa
Un nouveau type d’investisseurs providentiels est apparu grâce au dispositif de réduction d’impôt sur la fortune pour souscription au capital de PME institué par la loi 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (dite « loi Tepa »). Ce dispositif, qui a vu ses conditions d’application sensiblement.

L’investisseur Tepa peut investir au capital initial ou dans le cadre d’une augmentation de capital du holding de reprise.
Plus souvent cependant, l’investisseur Tepa cherchera à s’associer, dans un holding dédié (« holding ISF »), avec des partenaires investissant dans les mêmes circonstances. Dans ce cas de figure, il est important de vérifier que le schéma de reprise mis en place est bien éligible à la réduction d’impôt, ce qui suppose notamment que le holding de reprise dans lequel le holding dédié investit puisse être assimilé à une société opérationnelle (faute de quoi, la condition liée au simple niveau d’interposition entre le souscripteur et la société opérationnelle ne serait pas remplie et les souscriptions au capital du holding dédié ne pourraient ouvrir droit à l’avantage fiscal). Pour qu’il en soit ainsi, le holding de reprise doit pouvoir être considéré comme un holding animateur, être constitué depuis au moins douze mois et contrôler au moins une filiale depuis au moins douze mois.

L’investisseur Tepa sera évidemment moins exigeant que le « business angel » quant à la plus-value de sortie du fait de son coût d’entrée réel (égal à 50 % de la souscription). Cependant, dans la mesure où il n’est pas forcément coutumier de ce type d’investissement, il souhaitera une sécurisation de sa sortie, même au-delà de l’engagement de conservation fiscal. Un dispositif « anti-abus » interdit aux sociétés bénéficiaires des apports d’accorder aux souscripteurs une garantie de sortie à l’issue de l’investissement, mais rien n’interdit à un ou plusieurs associés de le faire directement.

Institutions publiques
Dans le cadre de politiques de développement économique et de stabilisation du capital des entreprises françaises, le secteur public intervient fréquemment en tant que capital-risqueur. L’objectif peut également être de soutenir certains secteurs d’activité, en partenariat avec des fédérations professionnelles.
L’intervention du secteur public est réalisée par des véhicules spécifiques : fonds dédiés, sociétés de développement régionales etc. Le secteur public a vocation à inscrire son investissement dans la durée et à disposer d’une plus grande souplesse dans les négociations de prise de participation qu’un acteur du secteur privé. Il intervient souvent dans le cadre d’un pool d’investisseurs, aux côtés de capitaux-risqueurs privés, mais rarement en chef de file.

Fonds corporatistes
Les fonds corporatistes combinent les caractéristiques des institutions publiques et des investisseurs Tepa. Ils ont pour vocation de contribuer au développement d’un groupe d’entreprises, d’une enseigne particulière, dans une région géographique ou un secteur d’activité particulier. Leur but est avant tout d’accompagner le dirigeant en vue de la réussite de son projet, en apportant, outre des fonds, un partage d’expérience et de réseau.
Comme les établissements financiers, ces capitaux-risqueurs imposeront à la société certaines contraintes financières et de management mais ils seront plus enclins à accepter des dispositifs favorables au dirigeant s’il est en mesure de démontrer que ceux-ci (tel que le plafonnement du taux de rentabilité interne) sont bénéfiques au secteur d’activité accompagné.

Investisseurs mezzanine
Ces investisseurs se situent très exactement à mi-chemin entre les purs capitaux-risqueurs et les prêteurs. Ils interviendront souvent en apportant une faible part de capital et une part importante de dette dite « subordonnée » qui sera remboursée une fois la dette « senior » (dette principale d’acquisition) remboursée.

Modalités d’intervention du capital-risqueur

A. Signature d’une lettre d’intention

Objectif
La lettre d’intention est un document préalable à l’investissement permettant de sceller un accord de principe sur la prise de participation de l’investisseur en raison notamment du temps nécessaire à la réalisation des étapes précédant celle-ci, des frais exposés pour l’instruction du dossier, ou afin de s’assurer que les dirigeants de la société ne négocient pas avec un concurrent. Cette lettre, émise par l’investisseur et acceptée par le chef d’entreprise, constate l’accord de principe entre les parties et définit les conditions d’entrée de l’investisseur dans le capital de l’entreprise.

Contenu
La lettre d’intention contient généralement des conditions résolutoires et des conditions suspensives, et intègre parfois des dispositions subsidiaires, telles qu’un engagement de confidentialité ou une clause de participation aux frais de dossier.
Les conditions résolutoires (par lesquelles les parties conviennent que la survenance d’un événement emportera de plein droit la résolution des engagements) visent principalement les éléments nouveaux qui pourraient intervenir entre la date de l’engagement d’investissement et la date de réalisation de cet investissement, comme, par exemple, l’ouverture d’une procédure collective, la résiliation d’un contrat déterminant ou la cession d’un élément d’actif essentiel à l’activité de la société.
Les conditions suspensives (par lesquelles les parties conviennent que le contrat n’entrera en vigueur qu’à compter de la survenance d’un événement) visent notamment les audits préalables que l’investisseur mènera, l’adoption par l’assemblée générale de l’augmentation de capital, la réitération d’actes annexés au protocole.

B. Acquisition de droits sociaux

En fonction des objectifs fixés à l’intégration de l’investisseur, deux modalités d’acquisition de droits sociaux sont possibles : la souscription à une augmentation de capital ou l’achat de droits sociaux.

Augmentation de capital
L’augmentation de capital est la voie la plus fréquemment utilisée puisque l’arrivée de l’investisseur est souvent liée à un projet d’entreprise qui nécessite des capitaux à investir. Cette augmentation de capital est souvent réservée à l’investisseur.
Sur les modalités d’une augmentation de capital réservée dans une société par actions, on pourra se reporter aux développements concernant l’augmentation en faveur d’un salarié dirigeant, les règles exposées étant transposables.
L’apport sera réalisé totalement au capital ou en partie en capital et en partie au titre d’une prime d’émission. L’apport en capital sera rémunéré par l’attribution de droits sociaux. Ces droits sociaux pourront être des actions de préférence puisque l’investisseur minoritaire souhaitera souvent disposer de droits politiques ou financiers particuliers.

Achat de droits sociaux
La cession de droits sociaux à l’investisseur sera l’hypothèse retenue si elle est réalisée par un actionnaire minoritaire ou si l’objectif est de procurer des liquidités au chef d’entreprise. La cession est facilitée lorsqu’elle ne comporte pas de garantie de passif (l’investisseur de son côté n’y est quasiment jamais tenu lorsqu’il cède ses propres titres). Elle peut cependant comporter des clauses de prix particulières : paiement à terme, droit de suite (clause dite de partage ou de rétrocession de plus-value instaurant, sur une certaine durée, un complément de prix si le cessionnaire des droits sociaux réalise une plus-value très importante à court terme).

C. Signature d’un protocole

Le recours au capital-risque impose aux dirigeants des engagements contractuels importants qui se matérialisent généralement dans un protocole. Il en est ainsi notamment de la participation à la gestion ou au contrôle de la société que le partenaire en capital ne manque pas de demander.
Le partenaire demande souvent aussi que le maintien de la hauteur de sa participation soit garanti, au moyen d’une clause anti-dilution ou encore la possibilité d’acheter les titres du majoritaire au cas où il souhaiterait les céder. Il exigera enfin que soit réglées par avance les conditions de sa sortie, que ce soit au terme de son investissement ou de façon prématurée.
Le protocole est négocié lors de chaque prise de participation et son contenu est fait de droits et obligations qui varient selon les situations.
Il est parfois opportun d’intégrer directement ces engagements contractuels aux statuts pour leur conférer une force obligatoire supérieure et les rendre opposables à la société elle-même. La SAS est la forme sociale qui se prête le mieux à l’intégration de telles clauses dans les statuts.
Nous présentons ci-dessous les principales clauses demandées par les capitaux-risqueurs.

Clause anti-dilution
Cette clause va permettre à l’investisseur de maintenir en pourcentage pendant la durée de son investissement le niveau de participation qu’il a atteint lors de son entrée au capital. Elle se justifie par des raisons financières (être assuré de tirer de l’opération d’investissement le profit escompté), juridiques (conserver une minorité de blocage en assemblée générale) ou fiscales (bénéficier du régime mère-filiale). Techniquement, la clause prévoit soit de réserver une augmentation de capital à l’investisseur, soit de lui céder un nombre de droits sociaux suffisant au maintien de sa participation.

Clause de préemption
Le droit de préemption, hors clause statutaire, permettra à l’investisseur de se porter acquéreur des titres du majoritaire au cas où ce dernier souhaitait les céder. La particularité est qu’il est nécessaire de trouver un acquéreur à un prix et des conditions déterminées pour mettre en œuvre ce droit. L’exercice du droit de préemption est encadré par diverses conditions : délais d’offre et de levée d’option, informations à transmettre, modalités de la transmission etc. Par ailleurs, ce droit est intégralement modulable en fonction des associés bénéficiaires et de leur « priorité » conventionnelle (droit à des niveaux et sur des volumes de titres différents). Ainsi, lorsque les associés sont répartis en plusieurs catégories (par exemple le « groupe familial » et les « investisseurs ») et dans la mesure où un objectif de stabilité dans la répartition du capital a été posé, il est opportun de prévoir un « ordre de priorité » entre les bénéficiaires du droit de préemption : par exemple, le « groupe familial » bénéficie du rang 1 pour préempter les titres du chef d’entreprise avec, éventuellement, une possibilité pour chaque préempteur d’exercer ce droit à proportion du pourcentage de capital/droits de vote qu’il détient), puis le « groupe investisseurs » au rang 2, etc. De multiples combinaisons peuvent être prévues, notamment au moyen d’actions de préférence. La clause pourra également prévoir une expertise en vue de réviser le prix si celui indiqué est manifestement trop élevé aux yeux du bénéficiaire du droit de préemption.

Clauses de sortie circonstancielles
Clause de sortie forcée et de sortie conjointe Ces clauses vont permettre à l’associé majoritaire de forcer la sortie de l’investisseur sous certaines conditions et notamment s’il y a un acquéreur pour la totalité des titres de la société. Assimilée à la clause dite de « squizz out » anglo-saxonne, cette disposition permettra véritablement au majoritaire, qui aura rallié une majorité prédéfinie au projet, d’obliger le minoritaire à céder ses titres. Trois réserves sont à noter. La première est relative au calendrier de la cession car, en tout état de cause, si le minoritaire refuse d’exécuter le protocole, il pourra faire durer la procédure et empêcher ainsi la cession qui s’exécute souvent à brefs délais, s’exposant à une responsabilité contractuelle. La seconde est relative à l’identité de l’acquéreur car celui-ci doit être un tiers par rapport au majoritaire. L’exécution de la sortie forcée pourrait être remise en cause s’il s’avérait que le majoritaire a lui-même organisé un portage dans l’unique dessein de rompre la relation actionnariale avec l’investisseur. Enfin, la troisième est relative à l’équilibre général du protocole d’associés. Si l’on oblige l’investisseur à céder ses droits sociaux, il paraît logique de lui garantir que les conditions juridiques et financières de sa sortie seront au moins équivalentes à celles offertes au majoritaire (clause de sortie conjointe).

Sortie conjointe
Le majoritaire s’oblige, au cas où un tiers proposerait d’acheter un bloc de droits sociaux conférant le contrôle de la société, à ériger en condition suspensive du protocole qui sera régularisé dans le cadre de cette cession, que ledit tiers propose au minoritaire l’acquisition de ses propres valeurs mobilières, aux mêmes prix, charges, clauses et conditions.
Cette proposition sera effectuée par courrier recommandé avec accusé de réception.
A défaut de réponse du minoritaire dans les trente jours, elle sera réputée refusée par ce dernier.

Droit de retrait
Dans un certain nombre de circonstances, l’investisseur va pouvoir exiger du majoritaire que ses droits sociaux soient rachetés. La circonstance la plus fréquente est le non-respect de tout ou partie des conditions du protocole. Le droit de retrait s’exercera également si la société change de contrôle (démission des fonctions de mandataire social, dilution par voie d’augmentation de capital), mais aussi parfois si les prévisions réalisés lors de l’entrée de l’investisseur au titre d’un business-plan ne sont pas respectées. Ce droit est souvent assorti d’une méthodologie de fixation du prix de sortie et s’articule autour d’une promesse unilatérale d’achat par le majoritaire, sous conditions suspensives.
Clauses de sortie programmée
Ces clauses vont avoir pour vocation d’organiser dès son entrée, la future sortie de l’investisseur. Elles seront d’une « intensité juridique » variable selon le niveau de contrainte exigée par l’investisseur, lié au risque accepté par lui.
La clause la plus souple consiste à organiser par avance un simple rendez-vous auquel s’astreignent les parties pour débattre ensemble de la géographie du capital de la société et de son évolution.

On trouve plus souvent des mécanismes de promesses unilatérales dites « croisées » au titre desquelles le majoritaire s’engage unilatéralement pour une durée donnée à échéance donnée à acquérir les droits sociaux de l’investisseur à un prix déterminable en fonction des performances de l’entreprise. Corrélativement, l’investisseur s’engage unilatéralement pour une durée donnée à une échéance donnée - mais distincte de celle couverte par la promesse d’achat - à céder les droits sociaux qu’il détient, à un prix déterminé sur les mêmes bases. Ces promesses ont un effet plus direct sur l’issue de la participation de l’investisseur qu’un simple rendez-vous. Toutefois, si aucune des parties n’exerce alternativement l’option qui lui est consentie, elles resteront liées.

Enfin, on trouve des clauses qui donnent à l’investisseur, si aucune solution de sortie n’est acceptée par lui, la possibilité de sortir du capital en contraignant le majoritaire. Il s’agira de donner mandat à un tiers pour trouver un acquéreur de la totalité du capital ou pour procéder à l’introduction en bourse de l’entreprise. L’application de ces deux types de clause a pour conséquence de faire perdre au majoritaire le contrôle de son entreprise et, très souvent, sa direction. En marge, on retrouve le dispositif anglo-saxon « de buy or sell » qui permet à l’investisseur de proposer par promesse unilatérale de vente au majoritaire le rachat de la participation minoritaire à un prix donné. Le majoritaire dispose de deux options : s’il achète, il reprend la participation minoritaire, s’il refuse ou n’opte pas, il cède lui-même ses propres droits sociaux aux mêmes conditions financières. Dans cette dernière circonstance, l’investisseur devient alors majoritaire, voire associé unique, et peut librement, mais à brefs délais, céder l’entreprise.

Les clauses de sortie de l’investisseur sont souvent assorties d’un droit de suite dans l’hypothèse où, après avoir racheté les droits sociaux de l’investisseur, le majoritaire cède l’entreprise à bref délai. Dans l’hypothèse où une plus-value est réalisée à cette occasion, le majoritaire en rétrocédera tout ou partie à l’investisseur.